01 juillet, 2012

Derrière les rideaux


Ça y est le grand départ est programmé pour le dimanche 30 septembre 2012. J'ai acheté mon billet hier dans la nuit après de multiples problèmes de carte bleue, de payement et de réservation sur des sites internet inefficaces ou trop complexes pour moi. Une fois la réservation confirmée par mail j'ai senti comme un nœud dans la gorge et un poids dans le thorax. J'ai lutté pour ne pas trop laisser s’échapper de larmes. Cette si folle aventure a commencé le 6 octobre 2010. Deux années entières. Enfin, presque. Mais à 6 jours près, on va pas chipoter. La voilà bientôt terminée officiellement et rien ni personne ne m'arrêtera car je n'ai pas prix d'assurance annulation.

Je suis partie en furie ce soir à 11h passé sous la pluie battante du climat tropical de Playa m'acheter du chocolat (suffisent à une lente et douloureuse agonie pour un diabétique). Heureuse comme une bipolaire en phase d'euphorie, la banane au lèvres et trempée jusqu'à la moelle je me suis promis au moins de commencer la rédaction de cet article ce soir. Et comme aucun de mes articles n'a été rédigé sans chocolats et sucreries à côté (un peu comme pendant les épreuves du bac) je ne peux pas faire entorse à cette si délicieuse tradition. J'ai déjà terminés tous les Rafaello noix de coco pour ces deux paragraphes. Je crois que le Mexique m'a rendu accroc. Mais bon j'ai de quoi tenir : Fererro Rocher, Kinder Bueno, un Kitkat et une sorte de Bounty qui s'appelle Almond Joy. Bonjour la cellulite! Mais je m'en fous, j'ai 23 ans, je me sens belle, jeune et en plus je suis trilingue (oui je sais ça n'a rien à voir) alors ce soir c'est orgie de chocolat.

Bon, je suis allé chercher mon petit livret dans lequel je note tout ce que j'ai pu vous raconter jusque-là : un peu comme les Pensées de Pascal mais en moins chiant. Bizarrement toutes mes pensées dans ce carnet sont automatiquement notées et répertoriées dès leur rédaction en ordre selon les thèmes à aborder, leur importance dans l'article et bien sur toujours suivies d'exemples tirés de ma vie et de mes expériences sur le terrain mexicain. On reconnaît là la patte de l'éducation nationale française enseignée à tous les lycéens en filière L. Mais bon parlons du plus important et ne dérivons pas sur des sujets tels que dois-je éteindre le ventilateur du plafond pour pouvoir manger les miettes de noix de coco des Rafaello laissées sur ma table sans qu'elles soient éparpillées dans tout l’appartement ou ne pas me laisser mourir de chaud en écrivant cet article mais en faisant une croix sur ces si délicieux petits morceaux tombés du paquet ?
Allez oublions les Rafaello et prenons un KitKat!

Le premier sujet à aborder est celui des élections (présidentielles) oui parce que les législatives tout le monde s'en fout, même moi je suis pas trop sure de savoir à quoi elles servent. Mais bon je vote quand même parce que malgré mes grossièretés et mes fautes d'orthographe j'ai été bien éduquée. Le résultat en lui-même de qui a gagné n'est pas le point que je souhaiterais traiter. Lorsque ma mère qui a procuration m'a demandé pour qui j'aimerai voter j'ai réfléchi un instant à mon vote de cœur (le candidat qui me plaît le plus) et à mon vote stratégique (celui que je veux surtout ne pas voir au pouvoir) j'ai été saisi d'un doute et d'une angoisse puis d'une stratégie nouvelle. Et si elle arrive au second tour cette petite Marine je fais quoi ? Certes elle n'y est pas parvenue mais arrivée 4ème j'appelle pas ça une victoire non plus. La candidate en elle-même ne m'est pas dépourvu de sympathie, ce sont ses électeurs qui m'ont marqué. J'ai du mal à croire que des gens de ma culture et de mon pays puissent avoir de telles idées et une telle ambition. Après deux ans dans ce pays suis-je donc si loin de mes compatriotes que je ne les reconnais plus ? Mon amour pour le Mexique, mon désir et ma volonté de m'intégrer à sa culture et à ses gens serait-il parti si loin que je ne suis plus aussi digne de posséder un passeport français ?

J'ai eu au cours de ces derniers 5 mois la preuve que la réponse est non. Enfin presque. Mon travail au quotidien pour faire court est de vendre des maillots de bain pour femmes plutôt coûteux. Je reçois tous les jours des clients de tous les pays : États-Unis, Canada, Amérique du Sud, Europe, Israël, Russie, Japon, Australie et j'en passe. Mon approche au client est très importante dû au fait que ma vente en dépend principalement et vu que je suis payée à la commission, mon estomac en dépend également. La première chose que je tente de savoir est de quel pays vient chaque client car l'approche est très différente pour chaque nationalité. Les américains par exemple sont faciles à repérer : coups de soleil façon elle vient de repeindre sa maison en rose bonbon et me dit à peine bonjour lorsque je la salue d'un sympathique et souriant « Hola ! ». Bref, à chaque nationalité son lot de stéréotypes et clichés. Les français sont pour moi les plus difficiles à reconnaître : souvent très ressemblants aux italiens et au portugais. Mais il en existe une catégorie que je reconnais automatiquement non pas par des clichés et ou par mes analyses de marques de vêtements, de style vestimentaire ou de silhouette corporelle. Non, il y en a certains qui je reconnais par ce sentiment qu'on a à reconnaître un des siens dans une tribu d'inconnus. Je ne saurais expliquer ce sentiment, cette sensation dans ma tête qui ne me dit non pas :  « celui-là il est français » mais « celui-là il est de chez moi ». Et là j'y trouve une joie de fraternité et de patriotisme. Comme si de je ne sais quelle façon j'étais liée à eux alors que je ne les connais même pas. Ces gens-là, ce sont les noirs et les arabes de France. Du moins du 93 et du 91 et des alentours de Paris. Bon sang je les reconnais comme s’ils étaient mes frères ces banlieusards de Paris. Ils entrent dans la boutique et sans même avoir besoin de dire un mot je leur dis fièrement : « vous êtes français vous ! ».
Alors non, je ne pense pas avoir perdu ma connexion à mon pays natal et à ses habitants. J'ai beau prendre soin de travailler à mon intégration au Mexique, je ne peux pas nier ce lien si fort avec la France et avec mes compatriotes. Un peu comme dans une chanson de Diam's « Ma France à moi » (et là, beaucoup d'entre vous penseront « oh la hooooonte elle écoute Diam's!) je ressens ce sentiment en générale, je l'ai ressenti pendant les élections et le ressens à chaque visite d'un de mes compatriotes du 9-3.
Qui l'aurait cru ? Je reconnais mon peuple dans les yeux et le visage de descendants maliens, sénégalais, ivoiriens, marocains, algériens et tunisiens et j'en suis fière. Je suis fière de cette ironie du sort, cette leçon de morale et de vie à tous ceux qui n'acceptent pas la différence.

La différence.
Je continue cet article une semaine plus tard. La pluie s'est arrêtée pour faire place au soleil et à une chaleur presque insoutenable et je ne peux pas me jeter dans la mer pour soulager cette étouffement constant. Je me suis tatouée pour la 6ème fois. Je me suis tatouée la différence. Un peu au dessus du sein presque sur l'épaule en dessous de la clavicule gauche, pour le symbolisme de l'endroit, comme un badge sur le cœur et pour que tout le monde puisse le voir. J'avais déjà fait fort avec le monde sur le haut du dos, me voilà désormais marqué du signe du handicap sur le devant du corps. Pour protester, pour faire penser et puis pour déranger un peu aussi. Cette nouvelle marque ne passe pas inaperçu et suscite de vives réactions des passants. Mais pourquoi donc se faire tatouer un petit bonhomme en chaise roulante ? C'est par compassion ? Empathie ? C'est parce que la vie des ces personnes-là te touchent ? me demande certains dans la rue. C'est pour faire penser je leur réponds.
Malgré l'amour fraternel que je porte à mon autiste de frère, il n'est pas la grande raison à cette marque indélébile même si connaître le handicap et l'avoir vécu tous les jours en est sûrement pour quelque chose. Là ou notre constitution clame que tous les êtres humains naissent libre et égaux en droits, cette même société imposent ses codes si complexes et inhumains qui rendent la différence et l'égalité entre chaque citoyen aussi vaste et diverse que les thèmes intellectuels abordés dans Secret Story.




La différence est belle et grande. J'en connais un rayon je la vois tous les jours derrière les rideaux au travail. Toutes ces femmes jeunes et vielles, minces et rondes, grandes et petites, pudiques ou qui aiment montrer leur corps me l'on enseigné. Pour elles aussi j'ai voulu marqué la différence d'un coup d'aiguille. C'est lors que je vois ces femmes s'accabler sur leur rondeurs, leur cellulite, le manque de seins ou leur prépondérance de poitrines, leur inexistence de fesses ou leur grand complexe de ce corps callipyge si propice à donner la vie que je me glisse poliment dans la cabine, derrière les rideau et leur dis avec les mots qu'elles ont besoin d'entendre : madame vous êtes belle. A votre âge j'aimerais avoir le corps que vous avez. De la cellulite ? Et alors ? Moi aussi j'en ai et je n'ai que 23 ans, je fais du sport et mange sainement. Vous n'en auriez pas madame, ça ne serait pas normal. Aux plus jeunes je les rassure en leur disant que chaque femme est différente en mettant en avant leurs atouts de beauté. Je leur dis qu'elles ne voient pas les craintes et le manque d'assurance de ces autres femmes qui pourtant paraissent de solides guerrières amazones, elles aussi sont tout aussi faibles et fragiles face au miroir une fois déshabillés et en sous vêtement. L'épreuve du maillot de bain est la crainte de toute femme. Le rêve d'une femme n'est pas de trouver l'homme de sa vie c'est de pouvoir manger tant qu'elle veut sans grossir.
Pour elles aussi je me suis tatouée. Parce quand on est trop grosse ou trop maigre, trop grande ou trop petite on peut parfois être aussi handicapée dans la vie qu'un petit bonhomme en chaise roulante. Comme s'il fallait qu'on naisse tous pareils, comme des machines. Mais il n'existe rien de tel que des hommes machines. Tous les hommes et les femmes sont fait différemment à l'inverse des machines. Ils ne sont pas tous pareils, tous parfaits, ils sont différents. Un ADN différent, des couleurs différentes, des corps différents. L'handicapé ou le fou ne fait pas exception. Tel un phare ils nous montrent le chemin. Il s'agit de respect, il s'agit de tolérance, il s'agit de nous étant différents. Et c'est ce qui fait que notre race, la race humaine, soit si spéciale. Ce qui semblaient être un erreur de la nature est ce qui nous rend si spéciaux.

Après avoir vu le handicap de mon frère, le handicap de mes amis jugés trop noirs trop arabes ou trop musulmans, des femmes jugées trop grosses, trop vielles ou trop putes, j'en ai vu l'impact sur leur personne, leur estime a travers les pays. Leurs différences et leurs hontes m'ont touché et m'ont appris à m'aimer moi-même telle que je suis et j'aimerais leur rendre la pareille. Cet article est peut-être le dernier de ce blog et de cette histoire. J'étais partie penser ce à quoi ma vie rimait et à quoi allait ressembler mon destin. Je m'étais donné un an pour cela, en voilà déjà deux. J'en suis arrivé à un stade ou comme je le disais je souhaiterais rendre la pareille à tous ceux qui à travers leur différence et leur honte m'ont appris. J'ai pensé retourner à l'université étudier l'ethnopsychologie un étrange mélange de psychologie et d’ethnologie car je pense avoir le background, l'envie et l’expérience pour le faire. Cette dernière idée reste dans le projet, j'ai toujours tenu un fort mépris et une haine sans nom pour le système académique (français en général) il ne serait pas surprenant que de moi que je faillisse dans cette dernière entreprise si réellement je pousse cette dernière à sa réalisation. Mais comme m'a dit un ami (psychologue d'ailleurs) je semble être de ces « self made persons. ».

Je vous dis à dieu sur ces derniers mots. On se retrouvera en octobre en face à face. Mes aventures continueront je vous le promets dans un autre pays et dans une autre langue, si Dieu le veut comme on dit si bien chez nous, en France.





17 février, 2012

Le Kinder Bueno


Je ne sais pas pour vous mais moi la nuit, sur les coups de 2h du matin prise d'une insomnie et d'un coup de déprime, je pense souvent à des choses comme la vie ou le destin, ou encore à des Kinders Bueno avec un verre de lait frais. Là, je me suis sentie trop flemmarde pour aller m'acheter les Kinders alors j'ai attrapé mon PC et réinstallé Word (parce que mon disque dur a cramé et que j'ai du le reformater) ce qui m'a prix assez de temps pour me refaire une manucure avec ma super lime à ongles 7 facettes qui lime les bords et fait briller la surface. 38 pesos mexicain soit 2,26 euros chez Wallmart tu parles d'une occase. Obligé je l’achète !

Assise dans mon lit avec mes ongles supers bien limés et supers brillants je n'ai pas d'autre option que d'écrire de nouveau si je ne veux pas finir la nuit comme je l'ai commencé : en larmes façon grosse production hollywoodienne où l'actrice principale aux courbes anorexiques pleure sur son oreiller un destin trop fatal ou trop tragique. Une vrai scène bien dramatique comme on les aime. La vérité c'est que je ne me fais pas vraiment de souci pour ce chagrin passager. J'en ai essoré des larmes bien plus mouillées de chagrins plus douloureux. Celui-ci est un petit chagrin, sans véritable douleur de cœur brisé. C'est un petit qui me dit que la vie bouge au même rythme que celui de la Terre. Je crois qu'il est temps pour moi de m'en aller.

Là, à coup sûr c'est ma mère qui va sauter au plafond. Après deux années au Mexique (je n'étais sensé qu'en passé une) je reviens au bercaille. Mais voilà après deux ans c'est parfois difficile de dire à dieu. Je me rend compte que je commence à avoir un panel d'ami très varié. J'ai pu constaté par facebook tout puissant que la plupart de mes amis comptaient dans leur réseau facebookien des connaissances nettement plus proches géographiquement et dont la grande partie se connaissent les uns les autres. Dans mon cas j'ai pu identifié sur ma toile d'amitiés facebook que se dessinent de petits réseaux dans nombreux pays et ce sur plusieurs continents. Autrement dit je ne suis pas une fille extrêmement populaire mais mes amitiés s’étendent de plus en plus sur le globe. C'est le cher prix à payé des voyageurs. Ça et le budget billet d'avion aussi. Je me sens un peu minée de ne pas être là pour ces rencontres entre meilleurs amis. De ne pas faire partie de tous ces groupes de bons potes. De ne pas avoir ma solide bande de copains. Il semblerait qu'à partir sans arrêt, les bonnes rencontres que je croisent n'atteignent jamais le nombre d'années suffisant pour devenir de réelles amitiés à par quelques exceptions. Je suis donc destinée à n'avoir qu'une poignée d'ami dans chaque pays.

Cependant, jamais je ne regretterai ces expériences. Mon dernière article s'intitulait « J'ai comme une envie de danser ». Certes je n'ai rien posté depuis (honte à moi) cela dit je ne pouvais pas mieux intituler un article. Pendant ces 7 derniers mois durant lesquels je n'ai pas écrit la moindre ligne je me suis contenté de remplacer un art par un autre, c'est à dire l'écriture par la danse. 7 mois maintenant que je m'exerce à la Samba et aux dernières nouvelles, à la danse Africaine. Et sachez, que je n'ai pas la moindre envie de m’arrêter là. Il aurai été impossible que je ressente de pareilles envies en France ! Le latino est certes un as pour ce qui est de rompre les cœurs. Mais on peu lui accorder qu'il sait comment se déhancher de la façon la plus envoûtante qui soit sans jamais se briser un os. Il a su retirer toute honte que j'avais à remuer mes hanches et d'autres parties de mon corps de façon que je n'aurait jamais osé imaginer. Si je compte peu d'amis par rapport à d'autres, mes connaissances se font de plus en plus importantes et mes expériences de plus en plus enrichissantes en atteignant des sommets que je n'auraient pas soupçonné.

C'est en partant d'abord aux États-Unis à l'âge de 16 ans que j'ai pu commencé mon « pèlerinage ». J'ai été à la suite de cette grande première élevée au rang de « fille à peu près normale » histoire de commencer une vie qui en vaille un peu plus la peine. Puis le Mexique où j'ai été touché par la soif de la connaissance en particulier de la danse. A voir ce que me réserve le reste. Je sais avant tout que j'y apprendrais bien plus que ce que j'imagine. Les États-Unis m'ont donné la parole, le Mexique m'a donné un corps. A suivre...

« Celui qui est habitué à voyager sait qu'il est toujours nécessaire de partir un jour. » * Peut-être qu'il est enfin temps pour moi de partir. Partir pour mieux repartir.


*Citation de Paulo Coelho, écrivain brésilien.